Mais je ne finis pas ma phrase. Cela ne sert plus à rien. Lys se détend tout à coup, comme soulagée. Je ne le suis pas. Je ne le suis plus. 

Une calèche vient d'apparaitre au loin. 

Une autre.

Et ben c'est tout pour le moment ! J'espère que ce début vous a plu, et que vous reviendrez lire la suite ! En attendant, je suis ouverte à toutes vos remarques, bonnes ou mauvaises du moment que je sais pourquoi ^^ Bybye !!

Elle n'est plus là.

Elle a rejoint le fond de la propriété à une vitesse exceptionnelle. Elle semble attendre quelque chose. 

Je ne peux plus rentrer. Je la rejoins en courant. Quand j'arrive à ses côtés, j'examine son visage. Elle est pressée. Je la sens à l'écoute du moindre bruit, alerte comme jamais. Elle guette. 

Je ne vois rien. 

- Lys, qu'est-ce qu'il...

- Si tu restes là, tu vas finir dans le même état que moi, tu sais. Je n'ai même pas vu ses lèvres bouger. Son corps est resté immobile.

- Tu devrais rentrer. Peu importe ce que tu attends, ou qui tu attends, ça n'arrivera pas aujourd'hui. Et tu es trempée.

- Rentre, si tu veux. Moi je reste. Je n'ai pas faim, et ta femme de chambre et toi vous êtes trop mal habillées. Une vraie pollution visuelle. Même sous la pluie, sans bouger depuis des heures, elle est toujours fidèle à elle-même.

- Bien. Je rentre. Tu n'auras qu'à te servir dans la cuisine quand tu auras décidé d'être raisonnable.  

Elle ne prend pas la peine de me répondre. Nous savons toutes les deux qu'elle ne quittera pas cet endroit de la nuit. Elle y sera sans aucun doute demain matin, imperturbable. Je commence à regagner le manoir. Je ne me presse pas, je suis déjà dans un état lamentable. Avant de rouvrir la porte, je jette un dernier regard à l'ange blond. 

  Mes yeux n'ont pas quitté Lys depuis de longues heures, maintenant. La nuit tombe sur nous plus vite qu'à l'ordinaire. Le temps passe plus vite aussi, il me semble. Bientôt la journée prendra fin, mais pas cette attente interminable. 

Elle, n'a toujours pas changé de place. Pas même de position. Elle sait que je l'observe, elle  sait toujours quand elle est observée. Ça lui arrive tellement rarement. Mais elle ne le montre pas. Comme moi, elle attend. J'ignore combien de temps encore elle pourra tenir. Peut-être la nuit, peut-être plus, qui sait ? 

Plus longtemps que moi. 

Sans réfléchir, je me dirige d'un pas rapide vers la porte. Je l'ouvre, et toujours aussi rapidement, je me retrouve à ses côtés. 

Je suis pleine d'eau, mais je me rends compte que ce n'est rien quand je regarde Lys. L'eau a certainement infiltré toutes les plus petites parcelles de son corps, qui doit toujours peser moins lourd que sa robe, totalement inondée. Ses cheveux n'ont plus rien de sublime, à présent. Rien que de longues mèches qui coulent autour de son visage. C'est donc à cela qu'elle ressemble tous les jours. 

C'est comme cela que les autres la voient. 

  Soudain, il me semble apercevoir quelque chose. Un mouvement, une lumière, une nouvelle mèche qui s'envole au vent. 

Puis un bruit. Une feuille qui tombe, un grognement peut-être. Tout me pousse à de nouvelles suppositions, toutes plus invraisemblables les unes que les autres.

Maintenant, la pluie. 

Un éclair qui zèbre le ciel encore bleu quelques heures auparavant, le tonnerre qui gronde parmi les arbres qui nous entourent, et la pluie. À mes yeux, tout devient une nouvelle menace, un nouveau présage. Mes sens sont en ébullition, j'essaie de capter la moindre pensée, la moindre sensation qui pointerait aux alentours. Un signe d'une présence humaine. Mais je ne capte qu'Esther. Esther et les animaux des bois voisins. 

Rien de plus. 

Le temps passe. Les heures s'écoulent plus lentement que jamais. L'éternité m'avait paru longue ces derniers temps, mais ce n'était rien en comparaison avec ce que j'endure à présent. 

À plusieurs reprises, Esther s'est approchée de moi pour m'offrir un verre d'eau, quelque chose à manger. Mais rien n'a plus d'importance. Je ne peux détacher mon regard de la fenêtre. L'attente est insupportable, mais je ne peux me résoudre à abandonner maintenant. 

Ça va se passer. Bientôt. 

Elle n'a pas bougé d'un centimètre. Seul le vent qui s'est levé depuis je ne sais quand fait voler quelques mèches de ses cheveux dorés. Depuis qu'elle s'est plantée devant la route, elle n'a plus esquissé le moindre mouvement. Je n'ai aucune idée de ce à quoi elle peut penser maintenant, mais je ressens parfaitement la tension qui pèse dans l'air. Je suis prête à parier qu'elle vient de Lys. 

Ou bien émane-t-elle d'Esther, et tout ce que je ressens n'est en fait que de l'inquiétude de sa part? Comment le saurais-je ? Cela fait tellement longtemps que j'ai renoncé à toute compagnie que je ne sais même plus faire la différence entre toutes les émotions qui frappent à la porte de mon esprit. 

- Donc tu ne vois jamais personne ? C'est triste.

- On s'habitue. Mais toi, Lys ? Toujours personne ne te voit ? C'est affligeant. Je déteste les conversations qui tournent autour de mon manque de vie sociale. La meilleure défense reste l'attaque.

- On s'habitue. Elle s'arrête et reprend. Je vais dehors. 

- Pour faire quoi, au juste ?

- Attendre.

- Attendre qui, Lys ?

- Tu verras. Et tu ferais bien de dire à ta nouvelle femme de chambre de ne pas me mettre de draps en soie. Ou je l'étrangle avec. 

Je n'eus presque pas le temps de la voir sortir de la maison. Elle était fâchée. Ce sont des choses qui arrivent avec Lys. Mais elle avait beau être en colère, elle savait au moins ce qui se passait ici. Quant à moi, je restais dans le flou le plus total. 

Comme d'habitude. 

Par la même fenêtre que celle qui m'avais permis de la voir arriver, j'observe Lys qui se place juste devant l'entrée de ma propriété. Notre propriété. Elle s'arrête. Je la vois tourner la tête vers moi l'espace d'une seconde.

Son visage, contrairement à son habitude, est totalement inexpressif. Son regard se reporte rapidement sur la voie devant elle. Elle ne bouge plus. Dorénavant, rien ne pourra la déloger de son poste d'observation jusqu'à ce que ce qu'elle attend se produise. Ou arrive. Si elle est la personne la plus capricieuse que je connaisse, je dois admettre qu'elle sait faire preuve d'une patience sans limites. 

Il ne me sert plus à rien de rester là, à la fixer. Ce serait une perte de temps inutile. Mais je ne peux m'en empêcher. Après toutes ces années sans réellement faire partie du monde, ma curiosité est trop forte. Je dois savoir. Et le meilleur moyen de parvenir à mes fins est d'attendre avec elle. 

De l'autre côté de la vitre.

  Nous marchons dans les couloirs depuis quelques temps quand elle pose sa main sur mon bras. Je m'arrête brusquement et la fixe un instant. Elle semble songeuse, mais se reprends et me demande sur un ton on ne peut plus sérieux et grave.

- C'est qui cette bonne ?

- Esther. Ma femme de chambre. Je n'arrive pas à croire qu'elle puisse penser à des choses aussi futiles. Il n'était pourtant pas rare, chez Lys, de se préoccuper de faits totalement inappropriés. 

- Et l'ancienne ? Carmen, c'est ça ? Tu l'as congédiée ?

- Elle est morte, Lys. Elle est morte. D'ailleurs, j'ai eu trois autres femmes de chambre entre Carmen et Esther. Et elles sont toutes restées très longtemps.

- Hmm je vois. Je ne suis pas venue depuis quelques temps, on dirait... 

Sa tentative de discussion avait échoué, elle le savait parfaitement. Mais Lys n'est pas de ce genre de filles qui se laissent avoir si facilement. J'avais peut être réussi à lui faire remarquer qu'elle n'avait plus aucun droit sur le manoir, mais elle allait revenir à la charge. 

Plus rapidement que je ne le pensais.

Elle semble se calmer. Elle entre dans la pièce, s'assoit sur le petit lit et soupire.

- C'étaient mes affaires. À qui les as-tu données ?

- Tu ne les reprendras pas. 

- Et pourquoi ça ? Elles sont à moi, après tout.

Je ne veux pas rentrer dans ce débat avec elle. Je sors de la pièce. Esther est au bout du couloir. Je lui fait signe de préparer la chambre. Elle se précipite vers moi, me sourit lorsque nous nous croisons. Elle me dépasse et entre discrètement dans la nouvelle chambre de Lys. 

Celle-ci en sort et me suit. Pour la première fois depuis qu'elle est arrivée, elle semble inquiète. Je me retourne et la regarde dans les yeux. Pas besoin de fouiller sa mémoire pour savoir que ce qu'il va se passer est grave. Assez pour que plusieurs d'entre nous se rejoignent au manoir. Mais je ne veux plus en parler pour le moment. Je suis censée attendre un Autre.

Alors j'attends. 

Je n'ai pas le temps de m'asseoir pour réfléchir plus calmement à tout ça, qu'une voix hurle à l'étage :

- Où est passée ma chambre ?!

- J'arrive...

Je monte le plus rapidement possible les marches qui me séparent de Lys. En haut, je me rend compte qu'elle attend devant la chambre qui fut la sienne autrefois. Il y a tellement longtemps. Et aujourd'hui, elle veut la récupérer. 

Elle compte réellement rester un moment.

- Tu as bien vu, j'ai refait la décoration. Je n'allais pas laisser cette pièce comme elle était.

- Et mes affaires ? Je vais dormir où, exactement ? Elle ressemble à une petite fille. Une adolescente capricieuse, peut être. 

- Certaines sont au grenier, d'autres chez des gens qui en ont plus besoin que toi. Et c'est toujours une chambre. Parmi tant d'autres. Tu peux dormir dans celle que tu veux, ce n'est pas un souci.